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Titel
Geschichte der Schweiz.


Autor(en)
Maissen, Thomas
Erschienen
Baden 2010: hier + jetzt, Verlag für Kultur und Geschichte
Anzahl Seiten
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Irène Herrmann, Département d'histoire générale

En 2010 paraissait l’ouvrage de Thomas Maissen Geschichte der Schweiz. Son succès fut tel qu’à peine une année plus tard, on pouvait en trouver une troisième édition corrigée et augmentée. Ces simples faits sont dignes d’être relevés car ils sont symptomatiques d’un trend historiographique notable. Peu de temps avant la sortie de ce ouvrage, on avait vu ressurgir avec force un genre presque oublié, soit le livre d’histoire suisse. La vague précédente datait alors d’une trentaine d’années, puisque la monographie d’Ulrich Im Hof, Die Geschichte der Schweiz, remontait à 1974 et l’ouvrage collectif de référence que constitue encore la Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses, à 1983. Facteurs générationnels, évolutions historiennes, globalisation, construction européenne et montée en force de l’Union démocratique du Centre: les raisons de ce regain d’intérêt pour un objet longtemps considéré comme désuet sont nombreuses. Partant pour l’essentiel de la Suisse romande, elles ont en gendré un renouveau historiographique d’ampleur nationale, qui se distingue non seulement par la prise en compte des recherches antérieures les plus récentes mais aussi par une présentation souvent originale du sujet traité.

A cet égard, le travail de Thomas Maissen peut à première vue sembler d’une facture plutôt classique: il suit une ligne chronologique claire et la plupart des découpages adoptés correspondent aux césures habituelles. En outre, dès l’introduction, l’auteur postule l’idée d’une certaine continuité helvétique et le primat du politique. Toutefois, ces différents constats témoignent moins du caractère potentiellement traditionnel de ce livre que du développement spiral de l’historiographie qui, au bout de quelques décennies, revisite, peaufine et renouvelle les points de vue dessinés par ses prédécesseurs. C’est d’ailleurs ce qu’indique la problématique générale de l’ouvrage qui interroge les conflits, les efforts, les négociations et les apprentissages à la base de cette «permanence helvétique» dont l’existence relève dès lors essentiellement de la construction. En partant de cette question de fond, Thomas Maissen parvient à atteindre deux objectifs apparemment contradictoires, mariant en un seul volume une synthèse couvrant près de sept siècles et un ouvrage de spécialiste bourré de connaissances et d’idées.

Réalisé par un historien à la palette exceptionnellement large, puisque Thomas Maissen est à la fois un moderniste confirmé et un expert du premier XIXe siècle comme de la Seconde Guerre mondiale, ce survol du passé helvétique est magistral. En quelques trois-cents pages, l’auteur relate une histoire allant du XIIIe siècle à 2010. Grâce à une écriture alerte et un sens aigu des transitions, il se joue des difficultés que présente la narration d’une contrée dénuée de continuités dynastiques et dont la vie institutionnelle se répartit entre les cantons. Si sa description de certaines évolutions sociales ou culturelles peut parfois paraître rapide, il n’oublie jamais de convier l’économie dans son explication des développements politiques. De même, il veille à dégager l’histoire suisse de tout exceptionnalisme en montrant l’insertion du pays dans un réseau d’influences extérieures et en comparant certains mécanismes du passé helvétique avec différents exemples étrangers. Il en découle un récit logique, plaisant à lire, simple sans être simpliste.

Ce résultat présuppose des procédés narratifs qui, à leur tour, dérivent de choix méthodologiques porteurs de véritables trouvailles. En premier lieu, un tel résumé implique une sélection minutieuse des éléments évoqués ou soulignés. Ceci est particulièrement évident dans la première partie de l’ouvrage, qui prend ainsi position sur ce qu’on considère comme «la fondation» du Corps helvétique. Sans doute l’auteur rappelle-t-il l’aspect mythologique des événements qui, depuis le moyen-âge, ont formé le socle d’une prise de conscience identitaire. Mais surtout, il insiste sur le rôle crucial des villes auxquelles il attribue, bien plus qu’aux fameux «cantons primitifs», une influence déterminante sur la constitution d’un réseau d’alliances couvrant une grande partie du territoire suisse actuel.

Par ailleurs, l’agrément du texte tient à l’enchaînement des éléments qui le composent, et partant, à la force explicative du récit. En d’autre termes, il provient des réflexions faites par Thomas Maissen pour décortiquer les (hiérarchies de) liens susceptibles de rattacher des faits entre eux. La chose se vérifie tout au long de l’ouvrage, même pour les époques les plus récentes et bénéficiant par conséquent d’un recul historique moins grand. Dans ce cadre, l’auteur ne se contente pas d’énoncer des relations de cause à effet ou de diviser des périodes en fonction de lignes forces, comme l’ont fait tant d’historiens avant lui, mais il repère aussi certains facteurs fondamentaux d’où émergent des corrélations troublantes. A la fin de son chapitre sur les guerres mondiales, il mentionne ainsi le sentiment que cultiveront les Suisses d’avoir été héroïques sans avoir eu à se battre. Loin d’être anecdotique, cette sensation imprègne les décennies suivantes dont elle constitue une clé de lecture éminemment précieuse.

L’originalité de cette pensée n’est toujours simple à dégager. Car si l’auteur entre parfois ouvertement en dialogue avec ses collègues, il reste le plus souvent discret; de telle sorte que son apport personnel n’apparaît qu’aux connaisseurs des événements relatés qui, en principe, n’ont pas vraiment besoin d’un ouvrage de synthèse. Pour ces derniers, on se surprend parfois à regretter l’absence de notes, imparfaitement compensée par la bibliographie donnée en fin de volume. Quelques informations en bas de page, indiquant des discussions ou des variations historiographiques, donneraient au livre une scientificité supplémentaire, sans dénaturer irrémédiablement son objectif et son caractère assumé de survol historique. Peut-être serace une possibilité envisagée en cas de nouvelle réédition. Une telle entreprise permettrait en outre de gommer de rares inexactitudes restantes (p. 232, 242, 264 etc). Mais dans l’immédiat, le plus souhaitable serait sans doute une traduction française. Puisque, aux alentours de 2010, c’est de Romandie qu’est parti cet engouement pour les monographies d’histoire suisse, on peut penser que les lecteurs y seraient certainement ravis de découvrir l’ouvrage de Thomas Maissen dans leur langue.

Zitierweise:
Irène Herrmann: Rezension zu: Thomas Maissen, Geschichte der Schweiz, Baden, Hier+Jetzt, 2010, 3., mit Registern versehene Auflage 2011. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte, Vol. 107, 2013, S. 469-471.

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